Conjoints de fait : Mieux vaut prévenir que guérir !​

Il fut une époque pas si lointaine, où le fait de vivre en couple sans être marié ne faisait pas partie de la norme sociale.  D’ailleurs, pour parler des conjoints de fait, les expressions «union illégitime», «union hors mariage», «concubinage» étaient fréquemment utilisées.  L’Église et l’État décourageaient ce type d’union.  Jusqu’au début des années 80, les enfants nés de ces unions étaient considérés « illégitimes » par la loi et ils ne bénéficiaient pas des mêmes droits que les enfants nés de parents mariés.  À titre d’exemple, ils ne pouvaient pas hériter de leurs parents.  Heureusement la situation a évolué et le Québec reconnaît l’égalité de tous les enfants.

De nos jours, environ 36% des québécois préfèrent vivre en union libre plutôt que de se marier, ce qui représente près du double de la moyenne canadienne.  Au Québec, l’union libre est devenue un cadre légitime pour former une famille. Ce choix est encore plus marqué pour la génération entre 30 et 40 ans, puisqu’environ 50% de ces couples québécois optent pour l’union libre.  Ainsi, environ 60 % des enfants au Québec sont issus des couples conjoints de fait, et dans certaines régions du Québec ce pourcentage peut grimper jusqu’à 80 %.

C’est donc une réalité très importante en matière familiale, mais très peu encadrée sur le plan juridique contrairement aux conjoints mariés.  En effet, au Québec, nous avons privilégié le respect du libre choix.  Toutefois, plusieurs mythes persistent dans la tête de bon nombre de personnes vivant en union libre.  Par exemple, plusieurs d’entre eux pensent qu’après un certain nombre d’années à vivre à deux, ils ont les mêmes droits que les personnes mariées.  Cela est loin d’être le cas.

Depuis la célèbre décision de la Cour suprême du Canada en 2013, connue comme étant Éric c. Lola, il fut décidé qu’il n’y avait pas d’obligation alimentaire entre conjoints de fait au Québec. Nous sommes donc la seule province canadienne n’ayant pas de loi permettant à un conjoint de fait de demander une pension alimentaire à l’autre conjoint. En outre, de plus en plus de conjoints de fait entament divers recours (enrichissement injustifié, société tacite) devant les tribunaux avec succès, mais aussi avec tous les délais et les coûts que cela implique, tant pour le conjoint qui prend le recours, que pour celui qui doit se défendre.

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Saviez-vous que, comme conjoint de fait …*

* L’usage du masculin inclut le féminin.

  • Vous ne pouvez pas réclamer une pension alimentaire à votre conjoint lors de la rupture, alors que cela est possible dans toute les autres provinces du Canada ;
  • Vous pouvez réclamer une pension alimentaire pour vos enfants ;
  • Même si vous habitez pendant des années une résidence avec votre conjoint, lors de la rupture, si ce dernier est propriétaire, vous pourriez être expulsé même si vous avez eu des enfants ensemble.
  • Si vous êtes propriétaire de la résidence que vous avez habitée durant la vie commune, lors de la rupture, dans certains cas exceptionnels, les tribunaux ont déjà permis à l’autre conjoint ayant la garde des enfants d’avoir l’usage exclusif de la résidence pour une certaine période.
  • Si vous êtes copropriétaire de la résidence que vous avez habitée avec votre conjoint pendant de nombreuses années, si ce dernier décède sans testament, vous pourriez être forcé par les héritiers de votre conjoint de vendre la maison.
  • Si vous êtes copropriétaire de la résidence familiale, et que vous avez investi plus d’argent que votre conjoint dans cet immeuble, lors du partage de la résidence familiale advenant une rupture, chacun aura droit normalement à 50% de la valeur partageable indépendamment du montant investi par chacun, sauf si vous avez clairement prévu une répartition différente dans un écrit (acte de vente, contrat de vie commune ou un autre écrit).
  • Il n’y a aucune loi qui prévoit un partage égal des biens accumulés durant la vie commune comme le partage du  patrimoine familial pour les conjoints mariés.
  • Il est possible, dans certains cas, qu’un recours soit pris contre vous après la rupture pour :
    • enrichissement injustifié (beaucoup de conjoints qui se retrouvent démunis ou dépouillés lors de la rupture, alors que l’autre sort de l’aventure enrichi aux dépens de son conjoint, veulent être indemnisés pour leurs contributions [pour le travail à la ferme ou l’entreprise du conjoint ; pour l’amélioration de la résidence commune ; pour ses services professionnels et autres])
    • Soulever qu’il existait entre vous et votre conjoint une société tacite (aventure commune tels : un commerce, une entreprise, un projet etc.) et réclamer le partage de celle-ci.
  • Si votre conjoint décède sans testament vous ne pouvez pas hériter de lui.
  • Si votre conjoint n’est pas légalement divorcé d’une précédente union, même si le testament exclut l’époux, le survivant marié a droit au partage du patrimoine familial.
  • Contrairement aux personnes mariées qui peuvent administrer les biens de leur partenaire lorsque celui-ci devient incapable de le faire, vous devez avoir rédigé un mandat d’inaptitude.  Ce mandat pourra prévoir également la responsabilité de la protection de sa personne, pour décider, par exemple,  des soins médicaux requis.
  • Le partage des gains admissibles accumulés durant la vie commune est possible seulement avec le consentement de l’autre conjoint, à moins que vous ayez prévu la situation dans un contrat de vie commune.
  • Vous pouvez toutefois décider, avec votre conjoint, de prévoir d’avance, dans un contrat de vie commune, vos priorités et votre vision comme couple en tenant compte de votre philosophie de vie.  Une telle charte de vie commune vous protègera pour l’avenir.   Tout comme pour la rédaction d’un testament, souvent il est difficile d’envisager la fin d’une merveilleuse situation, en l’occurrence la fin de la vie de couple. Mais il peut être sage pour vous et particulièrement pour vos enfants, de prévenir plutôt que de guérir !
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